Entretien avec Élodie Royer : une éducatrice spécialisée engagée auprès des enfants TSA

L’accompagnement des enfants ayant un Trouble du Spectre de l’Autisme est un défi quotidien pour de nombreuses familles. Entre le manque de professionnels formés, les difficultés d’accès aux soins et les obstacles à l’inclusion scolaire, le parcours est souvent semé d’embûches. Si HandicapKids est une plateforme belge dédiée aux parents d’enfants en situation de handicap, nous avons souhaité nous intéresser également aux initiatives et aux professionnels en France, où les défis rencontrés sont similaires.

Élodie Royer, éducatrice spécialisée en libéral, s’engage aux côtés de ces enfants et de leurs familles pour leur offrir un accompagnement adapté et personnalisé. À travers son expérience, elle partage son regard sur les avancées, les difficultés persistantes et les solutions concrètes pour améliorer leur quotidien.

 

Les défis de l’accompagnement des enfants avec un Trouble du Spectre de l’Autisme

L’accompagnement des enfants en situation de handicap, notamment ceux avec un Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) associé à un autre handicap, est un enjeu majeur pour leur inclusion et leur développement. Selon l’INSERM, “l’autisme touche environ 1 % de la population en France, soit plus de 700 000 personnes, dont environ 100 000 enfants [1]”. Pourtant, l’accès à un accompagnement adapté reste un parcours semé d’embûches : manque de professionnels formés, prise en charge inégale et structures insuffisantes compliquent le quotidien des familles [2].

Élodie Royer, éducatrice spécialisée en libéral, consacre sa carrière aux enfants ayant des besoins spécifiques. Forte de son expérience, elle témoigne des évolutions, des défis et des solutions possibles pour améliorer leur accompagnement.

Un parcours dédié aux enfants en situation de handicap

Après plusieurs années en institution, Élodie Royer a choisi d’exercer en libéral pour proposer un accompagnement individualisé.

"Mon parcours m’a amenée à travailler dans différents contextes avant de me lancer en libéral afin de propose un accompagnement plus adapté aux besoins spécifiques de chaque enfant."

Son engagement auprès des enfants TSA s’est renforcé au fil des années et des rencontres.

"J’ai toujours eu à cœur d’accompagner les personnes ayant des besoins spécifiques, mais une rencontre en particulier a marqué un tournant. En accompagnant un jeune ayant un TSA et une surdité, j’ai pris conscience des défis liés à la communication et de la nécessité d’adapter les outils et les approches."

Des avancées encore trop limitées dans l’inclusion scolaire

L’inclusion scolaire des enfants TSA est une priorité affichée par les pouvoirs publics, mais sur le terrain, les obstacles persistent.

"Depuis mes débuts, l’accompagnement des enfants TSA a évolué, mais ces avancées restent souvent théoriques
et peinent à se traduire concrètement dans les écoles."

Le manque de formation des enseignants et des AESH (Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap) constitue un frein majeur.

Une étude de l’INSHEA souligne que 72 % des enseignants se sentent insuffisamment formés pour accompagner un élève autiste. Les enseignants, bien que souvent volontaires, manquent de moyens matériels et de formations adaptées pour répondre aux besoins spécifiques des élèves TSA. [3]

Une approche personnalisée pour chaque enfant

"L’adaptation est au cœur de mon accompagnement, car chaque enfant a son propre fonctionnement et ses particularités. Je commence toujours par une évaluation des besoins afin d’ajuster mon intervention sur la communication, l’autonomie, la régulation sensorielle et les interactions sociales."

Élodie Royer accorde une importance particulière à la Communication Alternative et Augmentée (CAA), qui permet aux enfants non oralisants d’échanger à l’aide de pictogrammes, d’applications numériques ou de la langue des signes.

"Je n’ai pas d’outil unique, mais plutôt des approches adaptées à chaque profil. J’utilise notamment l’ABA, le TEACCH et surtout la CAA, qui est incontournable dans ma pratique quotidienne, car j’accompagne beaucoup de personnes non oralisantes."

Les défis quotidiens des enfants TSA et de leurs familles

Les familles d’enfants TSA doivent affronter de nombreuses difficultés : inclusion scolaire partielle, accès limité aux soins, et surcharge sensorielle dans un environnement inadapté.

"Le milieu scolaire reste un défi majeur. Faute de moyens suffisants, les adaptations indispensables sont souvent absentes, rendant l’apprentissage difficile et pouvant mener à une rupture de parcours."

L’accès aux soins est un autre obstacle.

"Les particularités sensorielles et communicationnelles sont peu prises en compte, rendant les consultations médicales éprouvantes, voire impossibles. Le manque de formation des professionnels de santé accentue ces difficultés, forçant parfois les familles à renoncer à certains suivis." [4]

Des projets concrets pour améliorer l’accompagnement

Face à ces constats, Élodie Royer ne se contente pas d’observer : elle agit. Elle travaille actuellement sur trois projets majeurs :

  1. Des groupes d’habiletés sociales en milieu scolaire

“Ce projet vise à mettre en place des groupes d’entraînement aux habiletés sociales au sein des écoles, notamment en ULIS, en collaboration avec ma collègue éducatrice spécialisée @lapetitebullebleue”

      2. Le développement de la CAA en milieu médical

Je souhaite sensibiliser les professionnels de santé à l’importance de la CAA, tout en leur fournissant des outils concrets. L’objectif est d’améliorer la communication entre soignants et patients, afin de rendre les soins plus compréhensibles et moins anxiogènes.”

     3. Un réseau de partenaires médicaux formés aux particularités des enfants TSAH

“Ce projet vise à développer un réseau de professionnels de santé sensibilisés aux particularités des enfants TSAH, afin d’améliorer leur prise en charge et leur habituation aux soins.”

Un message d’espoir et de sensibilisation

Malgré les obstacles, Élodie Royer reste optimiste.

“Il n’y a pas un moment unique qui m’a marquée, mais une multitude de petites victoires qui, mises bout à bout, donnent tout son sens à mon métier.”

Elle encourage les parents à ne pas rester seuls face au diagnostic.

“D’abord, respirez. Votre enfant reste le même, avec tout son potentiel. Un diagnostic ne définit pas une personne. Ne restez pas seuls : entourez-vous de professionnels formés, d’associations et d’autres parents. Le soutien est essentiel.”

Enfin, elle appelle le grand public à adopter un regard plus bienveillant sur l’autisme.

“Chaque personne avec un TSAH est unique. Derrière ce sigle, il n’y a pas une case dans laquelle on rentre, mais une diversité de profils, de forces et de défis. Plutôt que de juger ou de supposer, prenons le temps de comprendre et d’adapter notre regard. Avec un peu d’ouverture, tout devient possible.”

 

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Autrice : Mona Essati

Sources :

  • [1] INSERM, “Troubles du spectre de l’autisme : état des connaissances”, 2022, disponible sur www.inserm.fr
  • [2] Cour des comptes, “L’accompagnement des personnes autistes en France”, rapport 2020, disponible sur www.documentation.ehesp.fr
  • [3] INSHEA, “Les enseignants face à l’inclusion des élèves autistes”, étude 2021, disponible sur www.cnape.fr
  • [4] SANTÉ PUBLIQUE FRANCE / Troubles du spectre de l’autisme en France. Estimation de la prévalence à partir du recours aux soins dans le Système national des données de santé (SNDS), “ÉTUDES ET ENQUÊTES TROUBLES DU SPECTRE DE L’AUTISME
    EN FRANCE”, disponible sur www.santepubliquefrance.fr
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